Je suis impatient de lire un jour "Camille", ce dernier livre qu'il était en train d'écrire avec passion, ou tout au moins le premier tome. C'est mon plus grand livre! disait-il. Et c'est sûr, car il m'a permis de le découvrir chapitre après chapitre, avide de réactions. C'est une formidable traversée du vingtième siècle, résumé de son œuvre et de sa vie, à travers un personnage double, comme lui, au fond. Jean-Pierre CHABROL, austère et malicieux, tendre et mordant, ours et gamin. Il terminait souvent ses spectacles, au dernier rappel, en vidant ses poches et en énumérant: "Un mouchoir, une ficelle, un clou... vous voyez que je suis toujours un enfant!"
C'est comme ça aussi que se termine un des textes qu'il m'a permis de mettre en musique, "Les soirs d'été": " La crasse et les vernis, j’ai brisé ce qui brille / j’en suis sorti debout, comme d’une coquille / je devenais naïf et puissant, j’étais tel / l’enfant qui se croit immortel."

JEAN-PIERRE CHABROL NOUS A QUITTÉS LE 1ER DÉCEMBRE 2001

J'ai découvert les cévennes à vingt ans et je suis tombé amoureux de ce pays. J'y allais, j'y retournais, je m'emplissais les yeux, le nez, les oreilles, le cœur. Et tout de suite, j'ai découvert Jean-Pierre CHABROL et j'ai dévoré ses livres. Dévoré. J'étais sans doute affamé. Et tout en cherchant la trace de Jean Hur et de Clerguemort sous les châtaigniers des vallées cévenoles, j'ai découvert, l'histoire, la vie et l'humanité toute entière au fond de ses bouquins. La vérité de la vie simple, la cruauté de la mort et de la guerre, l'imbécilité de l'arrivisme et du pouvoir... Je me suis nourri.
La vie a bien voulu que l'on se croise, que l'on se rencontre, se revoie, qu'une amitié et une fidélité naissent.

Entre la pierre et la plume
Entre la plume et la pierre
Entre l'aurore et la brume
Entre l'ombre et la lumière

C'est le dernier mot, le geste
L'instant qu'on ne choisit pas
C'est le corps qui se déleste
Et qui ne fait plus le poids
C'est le souvenir qui reste
Et le souffle qui s'en va
Et sous la voûte céleste
Soudain un nouvel éclat

Entre la pierre et la plume
Entre la plume et la pierre
Entre la pipe qui fume
Entre l'endroit et l'envers

voir toute la chanson
ENTRE LA PIERRE
ET LA PLUME

 

 

 

 

Un autre merveilleux cadeau qu'il m'a fait, me confiant un jour toute une série de textes inédits dont beaucoup sont aujourd'hui mis en musique et certains enregistrés.
            Cher Jean-Pierre, je vis comme une grande chance d'avoir été ton ami et ton élève... et de t'avoir vu encore juste quelques heures avant ton grand départ, vendredi en fin d'après-midi. Ces jours derniers, j'écrivais une chanson sur "l'instant", l'instant qui bouleverse, l'instant qui bascule. Dans la nuit de pleine lune de vendredi à samedi, je me doutais que je ne te reverrais plus. Je me suis relevé et j'ai fini la chanson.

Cabiac, le 2 décembre 2001,
Jofroi

COMPLICITÉS AVEC JEAN-PIERRE CHABROL
J'étais passionné par le conteur, la voix, le souffle. Ces histoires qui partaient de bout de vie infime pour déboucher chaque fois sur le monde entier. Et si depuis quinze ans, j'ai passé une grande partie de ma vie d'artiste à écrire et raconter des histoires aux enfants, et à leurs parents, c'est lui qui m'en a donné le goût et... l'art peut-être. Je me souviens, fin des années 80, alors que je donnais une série de représentations  de "Grenadine Blues" au Grand Théâtre d'Edgar, il était venu me voir, me saluer dans la loge avant le spectacle. De savoir qu'il était dans la salle, j'avais un tel trac que j'avais le sentiment d'en perdre tous mes moyens. J'ai vécu un vrai martyr sur scène, pendant une heure. Plus une goutte de salive. Et le voilà, après, qui me félicite et ne tarit pas d'éloges. Je n'en revenais pas. Je pensais qu'il m'avait dit tout ça par pure gentillesse. Le lendemain je lui téléphone pour lui demander  son vrai avis et lui, pendant une heure au bout du fil, insiste et me félicite et m'encourage. Ce jour-là, j'ai gagné un sacré morceau de confiance tranquille que je lui dois.
Ce n'est pas innocent non plus, si de Belgique, nous sommes venus vivre un jour au bord des Cévennes. A partir d'un certain âge, elles avaient été quand même, une partie de ma nourriture. "L'été, la France", une de mes premières chansons connues, je l'ai écrite en 75 sur le mont Lozère et c'est à cette époque que Jean-Pierre CHABROL m'a surnommé le "cévenol du Nord", titre dont j'ai toujours été très fier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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